Beaucoup de petits canadiens ont appris la langue seconde à travers un manuel intitulé Conversation anglaise (ou française) à l'aide de l'image, au cours de leurs études primaires. Ce volume contenait vingt-quatre leçons, toutes illustrées par un tableau. Tableaux qui nous font aujourd'hui rêver à notre enfance idéalisée.
Ces manuels, en circulation au Québec de la fin des années 40 jusqu'au milieu des années 60 du XXe siècle, sont passés dans la mémoire collective sous le sobriquet de John and Mary going to school. Leurs images respiraient le bonheur et la sérénité des Fifties et nous apparaissent comme un retour nostalgique à un monde sans préoccupation.
Vous reverrez donc ces tableaux, chacun accompagné d'un texte qui n'a plus rien à voir avec l'apprentissage de la langue seconde. Mais, à bien y penser, John & Mary peuvent encore nous apprendre certaines choses qui étaient contenues dans ces tableaux, et pourquoi pas un destin antithétique?

samedi 25 juin 2011

Mary and John going to school


MARY AND JOHN GOING TO SCHOOL
Le titre du sixième tableau est celui que nous avons pris pour l’ensemble du blogue, car c’était l’étiquette avec laquelle on désignait l’esprit du manuel conversation anglaise. John and Mary going to school, c’est, après la famille et l’église, l’entrée des deux enfants dans le monde civil, plus précisément la rue et la conduite publique. Placés sur le trottoir, à la croisée des rues, John & Mary suivent ponctuellement le code de la route. Ils regardent à droite, ils regardent à gauche, s’arrêtent à la lumière rouge en attente de traverser la rue qui doit les mener …où? À l’école, nous dit le titre. Alors, pourquoi ne traversent-ils pas vers la gauche, suivant la lumière verte, pour se trouver ainsi en face de l’école au moment où la lumière deviendra verte à nouveau pour leur permettre de traverser la rue plutôt que d’attendre sur une lumière rouge? C’est plutôt vers l’église qu’on croirait qu’ils se rendent. Bien sûr, la fonction didactique du tableau est de nous présenter le décor urbain. D’une urbanité plutôt banlieusarde que celle d'un centre-ville. De fait, vivant en périphérie d’un centre urbain, je reconnaissais mon petit coin de rue dans ce tableau de John & Mary.

Ce tableau 6 coïncide vraiment avec un décor propre à Peyton Place. De gauche à droite, nous voyons une maison coquette, l’école, un bloc d'appartements, l’église. Trois véhicules motorisés dont une camionnette plus un cycliste nous permettent d’apprendre le vocabulaire. Puis, il y a le «mobilier urbain»: la borne-fontaine, les feux de circulation, la boîte aux lettres, street et sidewalk. Le décor, toutefois, est franchement vieillot, reconnaissons-le. Et les retouches apportées pour la version ultérieure du tableau 6, ont fait passer le style des voitures des années quarante aux années cinquante. D’ailleurs, suivre l’évolution graphique du tableau 6 à travers ses deux versions nous montre, en même temps, les principales caractéristiques qui distinguent les Fifties de la décennie antérieure.

La poétique du tableau reste la même dans ses lignes et ses traits. La disposition des personnages, les automobiles, des bâtiments reste strictement identique d’une version à l’autre. La voiture grise à l’avant-plan, avec un éperon à l’avant du capot (éperon qui pouvait s’avérer mortel. J’ai vu, dans le célèbre journal Allo Police! de l’époque, la photo d’une femme morte après avoir été heurtée par ce type de voiture, l’éperon lui ayant traversé le cou et la gorge.) est remplacée par une voiture verte moins menaçante. Par contre, la voiture vert-pomme de la première version est remplacée par un modèle courant des Fifties avec ailerons aérodynamiques.

Les bâtiments aussi ont varié. Si la coquette petite maison, à gauche, semble conserver l’essentiel de son apparence, il n’en est plus de même de l’école. Dans la version originale, l’école est conforme au modèle architectural catholique, avec la porte d’entrée située au centre de l’édifice, la croix sur le toit est placée à la verticale de la porte d'entrée. Ces bâtiments, récupérés aujourd’hui, sont généralement transformés en condos de luxe. Dans la version retouchée, le style architectural est proprement celui des années cinquante, avec la porte à la gauche du bâtiment, vaste portique de pierre dominant un édifice de brique avec une entrée protégée et la croix située de profil, face à l’église. Celle-ci est moins «catholique» que son original des années précédentes. Au lieu d'être ostensiblement brandit, au centre du bâtiment, le dominant même, la croix, signe religieux, est apposée sur la façade de côté, face à l'église certes, mais non dominant la porte d'entrée. Ayant changé plusieurs fois d’écoles dans mon enfance, j’ai appris dans les deux modèles architecturaux. L’école de la première version ressemble à l’école Notre-Dame-Auxiliatrice, à Saint-Jean-sur-Richelieu. Vastes fenêtres qui gorgeaient les classe de lumière et structure de briques rouges industrielle. Le second édifice ressemble davantage à l’école Forget où j’ai commencé mes classes, dans la même localité, avec sa porte à l’extrémité plutôt qu’au centre du bâtiment. Le portique plus impressionnant, les fenêtres moins grandes. Le terraseau à l’honneur pour le plancher, les escaliers, et le plâtre pour les murs.

À l’arrière, nous voyons un immeuble que nous pouvons supposer être un «bloc d'appartements». Les traits sont les mêmes d’un tableau à l’autre, mais alors qu’il apparaît rose dans la version originale, il devient gris-bleu dans la version retouchée. De même, la camionnette, plutôt rondelette et rouge dans la version originale, devient plus carrée et bleue dans la version nouvelle. Les élèves devant l’école, la boîte aux lettres et le monsieur traversant la rue sont restés identiques d’une version à l’autre.

L’église aussi a subi des retouches d’importance. Dans la version originale, son clocher est plus large et domine l’entrée. Dans la version retouchée, le clocher est un campanile sur le côté de l’église tandis que ses trois portes sont conformes au modèle des églises neuves des années 1950. Le vélo du cycliste est également d’un modèle plus récent et la chemise rouge de l'ouvrier de la première version est devenue, blanche, celle d'un col blanc dans la seconde version. Le style de la borne fontaine est légèrement retouché.

Mary & John ont également changé d’aspect. La robe bleue de Mary est devenue rouge, ses petits bas verts de longs bas blancs. John a la même pose, la même chemise bleue, mais il a troqué ses culottes courtes pour une paire de pantalon. Le chien, tant qu’à lui, a suivi les transformations du tableau 2: du cabot RCA Victor, il passe ici aussi au fox-terrier noir. Les traces d’ombre sont identiques d’un tableau à l’autre, mais le ciel a subi une variation non négligeable. Aux cumulus de beau temps qui fait jaillir la luminosité solaire dans le tableau de la première version, le ciel gris-bleu de la seconde version atténue la luminosité. C’est un ciel menaçant qui rend la lumière solaire encore plus inquiétante. Une ombre pesante pèse sur la seconde version alors que la version originale baigne dans le soleil d’un après-midi de septembre ou de juin.

En modernisant le tableau 6, les dessinateurs voulaient rendre le tableau plus adapté à l’époque de la parution de la nouvelle édition de conversation anglaise. Ils voulaient donner l’image de la rue des années 50 plutôt que l’imagerie déjà vieillotte qui se situerait aussi bien dans les années 40 que 30! De même, la robe de Mary fait moins uniteinte. Son dessein est mieux travaillé, lui donne du volume et des contrastes. Le pantalon de John, de même, donne une meilleur idée de l’élève que ses culottes courtes et ses longs bas bleus. Aucun garçon du début des années soixante se serait présenté en public vêtu de cette façon! La retouche de la chemise du cycliste produit le même effet. Moins schématique que l’original, la version modifiée du tableau 6 entend insuffler de l’actualité, sinon de la vie, dans cette scène banale de coin de rue. Le paradoxe est qu’en voulant «actualiser», «rendre vivant» le tableau, les retouches en ont fait disparaître la luminosité solaire, porteuse de paix et d’insouciance.

Ces retouches du Poétique du tableau 6 nous invitent-elles à modifier notre perception de la scène? Dans l’ensemble, l’action, l’intrigue si on peut dire, reste la même. Deux enfants attendent pour traverser la rue, et, contrairement à la logique du mouvement, le tableau nous dit qu’ils s’en vont à l’école. Il est vrai que la didactique a sa raison que la raison ignore, et les non-sens abondent dans la Poétique de beaucoup de tableaux de la série conversation anglaise. Le dialogue entre l’église et l’école demeure le même, la scène est nettement située en milieu chrétien, et catholique suppose-t-on. Si dans The Martin Family at church, l’ordre provenait de l’inspiration divine, ici, c’est par la conduite publique inscrite dans les codes de lois - le respect du code routier - qui définit piétons, cycliste, conducteurs automobiles. On s’arrête sur la lumière rouge et l’on avance sur la lumière verte (il n'y a pas de place pour la lumière jaune, pourtant existante dans les feux de circulation). Le conditionnement correspond à celui que nous avons déjà rencontré dans le cadre de la conduite morale à l’église dans le tableau précédent. L’aspect Idéologique du tableau ne diffère donc point, à première vue, du précédent, sauf qu’à l’autorité ecclésiastique succède l’autorité civile, absente ici, en la personne du policier qui dirigerait normalement le trafic mais remplacé par les feux de circulation. Ce sont eux qui rythment le code civil et font marcher ou s’arrêter la vie. Si le malheur voulait que l’un des enfants traverse sur la lumière rouge, il serait heurté par l’automobile qui s’avance à gauche, dépassant la ligne blanche (la voiture verte dans la première version, la voiture aérodynamique dans la seconde). Le chien même a compris le principe qui traverse sur la lumière verte, alors que les deux enfants, sensés se rendre à l’école, ne réalisent pas qu’ils pourraient traverser dans le sens inverse, vers la gauche. Comme une  preuve par l’absurde, John & Mary semblent inverser le code routier, se disant qu’il vaut mieux passer sur la lumière rouge s'il n'y a pas de voitures qui s'en viennent que d’attendre inutilement une lumière verte quand des automobilistes s'impatientent pour tourner! Telle est pourtant la différence entre le conditionnement et le bon sens, qui, disait Descartes,  est la chose la mieux partagée! C’est ce que le piéton, en avant du camion, a bien compris, qui traverse sur la verte. Il est parfaitement conditionné par le code. Le cycliste également s’engage à reprendre son élan et à traverser. Combien d’élèves, durant toutes ces années, ont remarqué le non-sens de la logique de la conduite de John & Mary dans ce tableau?

Poétique et Idéologique ne vont pas nécessairement de paire, même si les deux dimensions de la représentation mentale en appellent à la raison pour l’organisation de la logique des rapports entre les êtres. L’Idéologique veut que garçons et filles s’arrêtent au coin des rues, qu’importe le signal lumineux, pour être bien certain qu’aucun véhicule ne viendra les heurter. Comme on est jamais assez prudent, on regarde à droite, puis à gauche, et on traverse …sur la lumière verte. Le faire face à la lumière rouge n'est pas inutile, mais il suppose que l'on a fort peu confiance dans le jugement des automobilistes, et, par le fait même, au respect conventionnel du code routier. À moins que les deux enfants aient décidé de déroger à la conduite routière. Mais j'en doute fort. C’est en ce sens que leur démonstration est une preuve par l’absurde du bon droit de l’obéissance au code routier. Ces enfants sont tellement investis par l’ordre moral qu’ils en deviennent de véritables mécaniques automatisées. Le chien a plus d’élan vital en lui que ces deux enfants ensemble. Comme souvent, nous l’avons vu dans les autres tableaux, ils sont saisis par la pétrification, en pleine scène. Intérioriser à ce point la lettre plutôt que l’esprit des lois vide les mœurs de toutes substances vitales. Cela tue l’intelligence, la spontanéité, la réflexion. La substitution du policier ou d’un agent de la circulation par les feux qui passent du rouge au vert procède, suivant la psychologie behavioriste, du conditionnement: la seule psychologie applicable pour un ordre social qui attend de chaque individu la réaction appropriée à un signal donné.

Ce qui se transforme vraiment de la première à la seconde version du tableau 5, c’est l’impression qui se dégage de l’ambiance de la scène. D’une atmosphère sereine et lumineuse, la scène est plongée sous un climat inquiétant, entre l’orage et la fin du monde, dirions-nous. Car ce n’est pas seulement une question d’atmosphère. Il n’y a pas que la couleur du ciel qui assombrit le tableau. La peinture des automobiles également assombrit le dessin. La couleur vive du rouge de l’école dans la première version devient d'un rouge-brique sombre dans la seconde. La couleur des fenêtres y est sans doute pour quelque chose. Large et reflétant la lumière solaire dans la première version, elles sont devenues bleues et étroites dans la seconde. Le porche d’entrée de la seconde école ajoute à la lourdeur du bâtiment. Passant du rouge au bleue, la camionnette contribue également à assombrir, et que dire du bloc d'appartements, rose dans la version originale, gris et sombre dans la version retouchée. Il n’y a pas jusqu’au jaune de la façade de l’église qui nous semble plus mât dans la seconde version. L’atmosphère ombrageuse fait même ressortir le rouge de la robe de Mary. Voilà en quoi les deux tableaux sont définitivement différents. D’une version à l’autre, la lumière solaire est devenue lunaire.

À dix années de distance, qu’est-ce qui s’est passée pour que l’ombre menaçante vienne envahir la rue de notre Peyton Place? En 1949, date de circulation du premier tableau, le monde était pourtant en pleine crise d’après-guerre: la réinsertion des anciens soldats, la reconversion des industries militaires en industries ménagères, le passage d’une économie de privation à une économie de consommation, la menace de la guerre nucléaire et de l’affrontement avec la bloc soviétique; rien ne permettait de considérer que le ciel puisse être si bleu, à peine traversé par quelques cumulus de beau temps, et le soleil si radieux dans le cadre inquiétant que nous traversions. Au contraire, dix ans plus tard, en 1959-1960, l’Amérique du Nord vivait en pleine ère d’abondance. Une légère détente entre les deux superpuissances pouvait permettre de croire que les rivalités politiques internationales iraient en s’amenuisant. Le pouvoir d’achat des consommateurs était solide et la production roulait bon train. Nous ignorions alors des concepts comme «crise énergétique», «pollution des airs et des eaux», «espèces en voie de disparition», «immigrations massives», etc. Un ordre s’était établi qui semblait ne plus jamais être mis en danger, ni de l’extérieur, ni de l’intérieur. Les publicités respiraient la joie de vivre, contrairement à la propagande du temps de guerre et de la Guerre Froide. À nouveau, le Coca Cola ressortait la chanson de Charles Trenet, Y'a d’la joie! Alors, pourquoi cet assombrissement de la rue où John & Mary attendent la lumière verte pour traverser la rue?

Il est possible que nous nous soyons mépris sur la valeur à donner à cette lumière rouge qui fixe la conduite de John & Mary. S’il s’agissait d’une lumière de circulation comme les autres, John & Mary seraient assez intelligents, se rendant à l’école, pour traverser sur la lumière verte qui leur permettrait de traverser vers la gauche du tableau, puis ensuite traverser en direction de leur école. Toute la logique de Mary and John/ going to school serait alors respectée. Mais si la lumière rouge ne reproduit pas le feu de circulation mais suppose un feu d’une autre nature, resterait à identifier la nature à laquelle il appartiendrait pour nous permettre de comprendre le sens exact de ce tableau.

Le rouge, nous l’avons vu, représente plusieurs thèmes. Le sang, la passion, la violence, le danger, le communisme. En tant que feu de circulation, le rouge représente le danger, comme ces fanions que l’on attache à l’extrémité d’un morceau quelconque qui dépasse le coffre arrière d’une voiture. C’est ce fanion rouge signifiant danger que Charlot inverse, malgré lui, en drapeau communiste, prenant sans le savoir la tête d’une manifestation ouvrière dans Modern Times. En tel sens, le rouge du danger est étroitement apparenté au sang qu’entraîne généralement tout accident automobile. Danger-violence-sang forment donc une lignée logique incontournable, mais elle reste dans la portée de la didactique du tableau: il est interdit de traverser la rue au feu rouge. Reste alors la passion et le communisme. Le rouge-passion concerne généralement la passion amoureuse, et il est douteux que nous ayons à répéter, comme un pansexualisme, que le rouge signifie partout l’interdit de l’inceste. À moins de replier le psychologique sur lui-même, il faut élargir la portée des signifiances. Le communisme serait déjà de meilleur aloi. C'est ici que l'Idéologique terminerait la logique poétique de la lignée danger-violence-sang-communisme.

Car, après tout, les Fifties, c’est la décennie du grand procès-spectacle au Sénat américain où le sénateur MacCarthy fit passer en commission sénatoriale tout ceux qui passaient pour communistes dans la société américaine, en commençant par les hauts-fonctionnaires de l’administration jusqu’aux officiers militaires (sur lesquels la vague maccarthyiste se brisa), en passant par les vedettes de cinéma et les membres des services publiques. Plus qu’un danger réel, le communisme des années cinquante est un communisme de cauchemars de petits propriétaires et de familles bourgeoises qui voient des espions dans chaque politicien le moindrement «liberal» ou «socialiste». Les un-american activities se pratiqueraient jusqu'au sein de l'appareil d'État. C’est la psychose de l'espionite, la hantise des espions soviétiques ou chinois fouinant partout dans les détritus du monde occidental. L’affaire Rosenberg, qui se solda par l’exécution d’un couple de physiciens qui auraient transmis des informations à un agent soviétique, fut l’un des événements de la décennie les plus marquants. Plus tard, au Canada aussi, Gerda Munsiger, une blonde platine qu’on s'attendrait à voir chanter des chansons bavaroises dans un chalet suisse, considérée comme espionne est-allemande (1966), reproduisait à Ottawa le scandale Profumo (1961) qui, en Angleterre, avait vu compromis le ministre de la guerre Profumo avec une call-girl soupçonnée d’espionnage, Christine Keeler. La véracité ou non des soupçons comptait moins que l’atmosphère que faisait jaillir une suite de scandales. C’est cette atmosphère que nous retrouvons dans la version retouchée de Mary & John going to school.

Depuis que nous avons commencé avec le tableau 1 de conversation anglaise, nous n’avons rencontré que des tableaux respirant le bonheur, la sécurité, la joie de vivre et la paix domestique. Rien de tragique, rien de grave ne se déroule que ces tableaux pourraient nous transmettre, sinon que dans l’inconscient. Même le ciel serein de la première version du tableau 6 ne déroge pas à la règle. Mais dix ans plus tard, l’atmosphère s’est remplie d’orage. Nous nous attendons, à contempler ce tableau, à ce qu’un éclair vienne zébrer le ciel, un roulement de tonnerre presser les piétons, enfin qu’une averse, une ondée, vienne détremper la chaussée. John & Mary reprennent la pose des figures anonymes des personnages du tableau de Richard Oelze intitulé L’attente. Peint avant la Seconde Guerre mondiale, (1936), ce tableau, conservé à New York, est pratiquement contemporain de l’esprit qui anime les illustrations de conversation anglaise. Certes, la menace qui couvait sur le monde - surtout européen - durant l’Entre-deux-Guerres s’est transportée sur l’ensemble du monde occidental, même lorsque les fascismes furent abattus par les Alliés en 1945, mais l’enclenchement quasi immédiat de la Guerre Froide et l’aspect sinistre que représentait le stalinisme comme forme de communisme furent à l’origine d’événements que l’on devait baptiser plus tard, de «légendes urbaines»: invasion de soucoupes volantes, rencontre avec des Aliens, enlèvement et expérimentation dans des vaisseaux spatial, mutations génétiques commandées, guerres bactériologiques ou chimiques, etc., c’est bien le ciel de Oelze qui se transpose dans la version corrigée de Mary and John going to school. Preuve qu’il n’y avait pas que les scandales sordides locaux qui contribuaient à angoisser les habitants de bleds tranquilles comme celui de Peyton Place.
Montréal
25 juin 2011

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