Beaucoup de petits canadiens ont appris la langue seconde à travers un manuel intitulé Conversation anglaise (ou française) à l'aide de l'image, au cours de leurs études primaires. Ce volume contenait vingt-quatre leçons, toutes illustrées par un tableau. Tableaux qui nous font aujourd'hui rêver à notre enfance idéalisée.
Ces manuels, en circulation au Québec de la fin des années 40 jusqu'au milieu des années 60 du XXe siècle, sont passés dans la mémoire collective sous le sobriquet de John and Mary going to school. Leurs images respiraient le bonheur et la sérénité des Fifties et nous apparaissent comme un retour nostalgique à un monde sans préoccupation.
Vous reverrez donc ces tableaux, chacun accompagné d'un texte qui n'a plus rien à voir avec l'apprentissage de la langue seconde. Mais, à bien y penser, John & Mary peuvent encore nous apprendre certaines choses qui étaient contenues dans ces tableaux, et pourquoi pas un destin antithétique?

mardi 21 juin 2011

John's clothes


JOHN’S CLOTHES

Décidément, la prière de John a été exaucée. On l’a changé de chambre. Celle-ci n’a plus rien à voir avec celle du tableau précédent. La disposition du lit, la croix sur le mur (qui semble ne plus être un crucifix: réforme dans la famille de John & Mary?), la disposition de la fenêtre et les rideaux, nous ne sommes définitivement plus dans la même pièce. Plus de soleil. Plus de rossignol. Et le chien mordille un bas de John. Celui-ci cire d’ailleurs méticuleusement ses souliers et son pied est chaussé d’un bas de laine qui monte jusqu’au genou! On devinerait que c'est un petit tyrolien qui se prépare à danser à l'Oktoberfest! Habillé à la dernière mode, notre John? Il déclencherait des rires inquiétants s’il se promènerait ainsi vêtu sur Wisteria Lane. Même à l’époque de Peyton Place, les garçonnets ne portaient plus ce type de vêtements.

Ici, comme dans le tableau 1, Names of the parts of the body, nous assistons à une séance de fétichisme à deux pour le prix d’un (le second sera pour le tableau suivant, Mary’s clothes). Là où, dans le premier tableau, nous trouvions des membres épars qui tournaient selon le sens des aiguilles du cadran d’une montre, ici on nous montre les vêtements sensés les recouvrir. Mais après avoir fait l’inventaire du chapeau et des gants jaunes, du veston et du pantalon, du gilet et de la boucle, des chaussettes, de la chemise avec la cravate, du mouchoir et des bretelles, des souliers et des caoutchoucs (rubbers), de l’imperméable et du parapluie, enfin du paletot et du foulard, on voit que notre petit John s’habille déjà comme un véritable mobster des films des années 40.

C’est Joseph Cotten ou Humphrey Bogart. C’est John Dillinger ou Al Capone. C’est à peine s'il manque les mitrailleuses automatiques et les revolvers. On le verrait très bien jouer dans un épisode de Naked City ou The Untouchables, les séries policières de l’époque. Même par rapport à Peyton Place, la garde-robe de John retarde sur le temps. Maman a donc bien tourné le verrou sur le temps de sa jeunesse à elle, projetée sur celle de son fils. Elle brosse son chapeau borsalino avec la même méticulosité que son fils cire son soulier. De la tête aux pieds, la «maman» est fière de la propreté de son fils, peu importe de savoir s’il n’a pas déjà ses entrées au club des mafieux.

Les couleurs également sont de circonstances. Sur un fond beige, la couleur terne des vêtements va du bleu sombre au brun des bretelles et du borsalino, le jaune des gants, du foulard et du mouchoir ne cède en rien à la couleur vert-diarrhée de bébé de l’imperméable. La boucle elle-même n’est qu’une fantaisie morbide. Ce jeune homme transpire la mort dans ces vêtements tordus mais sans faux-plis. Ce ne sont pas ceux d’un gamin mais d’un homme, du père de John peut-être? Loin de respirer l’honnêteté et l’aisance naturelle, c’est une véritable réplique moderne des armures médiévales. Malgré les symboles malsains que nous avons dégagés de la chambre de John au tableau 2, sa nouvelle chambre nous apparaît encore plus sinistre. Le jaune domine le mur du placard, mais le jaune éteint, encore-là, enveloppe la croix et la fenêtre. Le lit de John se rapproche de ce jaune éteint d’autant qu’il s’éloigne du jaune clair.

La porte du placard, ici, est fermée (elle sera ouverte dans le tableau suivant où maman y est pénétrée corps et âme parmi les vêtements de sa fille Mary). Il ne sied pas à une mère de fouiller dans les placards de son garçon. Ce qu’elle pourrait y trouver la peinerait sans doute puisqu’il ne lui apparaîtrait plus comme ce garçon docile et poli, mais comme un être soudainement doté d’une inquiétante étrangeté. Certes, John n’a rien d’un caïd de la drogue ou de la contrebande. On ne peut lui imputer le célèbre massacre de la Saint-Valentin, ni de participer à ces bandes de brigands du Middle-West des années 30. Dans le fond, c’est maman qui choisit le linge que portera John, et elle l’habille comme les vedettes de cinéma de son temps. Et comme ces vedettes masculines jouent dans des films de «série noire», pourquoi pas? Après tout, comme le chantait Gainsbourg dans Bonnie & Clyde, c’était «la société qui les avait définitivement abimés». Au-delà de cette légère torsion de la loi, c’étaient des garçons aimants, proches de leur maman, fidèles et dévoués. L’«uniforme», car il s’agit bien d’un uniforme équivalent à celui d’un policier ou d’un pompier, rend compte que son John est bien en voie de devenir «un petit homme»; il y a de quoi être fière. Ne voyant que l’habit, elle ne peut soupçonner qu’il finira par faire le moine.

La porte du placard est donc bien fermée. Les vêtements extérieurs sont mêmes suspendus au mur de la chambre. La variété de souliers, pantoufles et caoutchoucs sont rangés au pied du lit: John n’a que l’embarras du choix. Le foulard est sur le dossier de la chaise où il cire ses souliers, ce qui est plutôt négligent. Question. Que met-il donc dans son placard? Ses jouets? Ce n’est visiblement pas une chambre de jeux; dans la maison de John, chaque pièce à une fonction précise, nous le verrons plus loin. Ses livres sont soigneusement déposés sur le lit, c’est donc qu’il se prépare pour aller à l’école. Son chien, toujours lui, a saisi une chaussette par les crocs et s’amuse avec, et on n’imagine pas un seul instant maman donné un coup de pied au sale cabot pour qu’il n’abîme point ainsi les vêtements de son maître. Toute la scène se passe devant cette porte close (pas même entr’ouverte) où on pourrait voir autres pièces vestimentaires du jeune garçon. Tout le placard est là, sous nos yeux, dans ces vêtements ternes où manque, comme vous l’aurez remarqué, les vêtements de corps (camisole, caleçon, etc.). Si les vêtements que nous portons en disent long sur ce que nous sommes, nous ne pouvons guère dire plus de John sinon ses aspirations adultes a devenir un mobster.

Même les culottes courtes, dont nous le verrons souvent affublé, manquent à l’inventaire. Voilà pourquoi il est difficile de tenir ces pièces de vêtements comme étant ceux de John, mais bien plutôt les vêtements de son père. Alors ces vêtements dissimulés dans le placard ne seraient pas ceux d’aujourd’hui, du jeune garçon, mais bien de celui qu’il deviendra à l’âge adulte. À ce compte, il importe peu que les vêtements du père soient également ceux du fils. Ils n'habillent qu’une seule et même personne, lus au niveau du Symbolique. Si le modèle du gangster des films noirs est le Poétique du placard, c’est bien par l’agencement de ces pièces que nous parvenons à confirmer que nous ne nous sommes guère égarer dans notre analyse de ce qui fait un homme dans le monde des Peyton Place où habitent les petits John: l’homme est un être vil, hors-la-loi, pêcheur, tueur à l’occasion, mais toujours respectant les normes apparentes de la civilité, de la propreté, de la bienséance. En retour, cette respectabilité lui est donnée par la femme, l’épouse aussi bien que la mère.

Évidemment, nous ne sommes pas invités à nous convertir au gangstérisme seulement à regarder le tableau 3 de conversation anglaise. Le gangstérisme est là, suggéré par le défilé des sur-vêtements. La moralité de l’affaire ne souffre aucune déviance ni aucune débauche. C’est l’hypocrisie bourgeoise à son meilleur. Le parfum surané des rues de Peyton Place, le confort anémique de ses intérieurs douillets où les hystéries se déchaînent derrière les volets clos et les portes fermées sont les résultats de la confrontation entre la respectabilité apparente et la déviance forcenée. Tous les métiers invitent à la fraude ou à une quelconque criminalité.

Le père de John est-il comptable - ou deviendra-t-il lui-même comptable? -, et c’est déjà la tentation des colonnes de chiffres maquillées. C’est la dissimulation d’une faillite derrière des profits gonflés. Si la bulle n’éclate pas - et elle éclatera un jour ou l’autre -, le père de John peut empocher de fortes sommes en attendant de tout placer dans un compte couvert aux Bahamas. Les grands scandales financiers du début du millénaire - Enron en 2001, WorldCom en 2002, Bernard L. Madoff Investment Securities LLC. en 2008, Stanford International Bank en 2009 - ont finalement fait basculer le monde occidental dans la crise financière et économique. Dans le cas de Madoff, son fils (son petit «John») s’est suicidé en se pendant dans son appartement dans Manhattan, tandis que le Français Thierry de la Villehuchet s'est donné la mort dans son bureau de New York deux semaines après l'éclatement du scandale. Le Québec a aussi eu ses scandales, de plus petites tailles mais tout aussi désastreux pour les investisseurs mal avisés: Norbourg avec l’ineffable Vincent Lacroix, Earl Jones, et quelques autres magouilleurs-magouilleuses. La comptabilité, métier honorable sans doute, n’est pas à l’abri des tentations.

Le père de John est-il ingénieur - ou si John est fort en maths, ne sera-t-il pas tenté de le devenir? -, alors les alléchants contrats où la compétition avantage les plus bas soumissionnaires pourraient inviter à contourner les frais d’outillage, la qualité des matériaux, la compétence des contremaîtres de chantiers, l’expérience de la main-d'œuvre de la construction. Des enveloppes brunes - à l’image du borsalino de John - pourraient circuler de main en main, passer par des mains politiques avant d’être encaissés par les protecteurs. Après, quand un viaduc se sera effondré tuant des passagers dans une auto, qu’un plafond de garage aura aplati des voitures, qu’un balcon se sera détaché du trentième étage… on pourra toujours en accuser l’érosion, et de plus, il y aura de bien grandes chances pour que le responsable de la catastrophe ait quitté ce bas monde. Certes, ce n’est pas la profession d’ingénieur qui est en cause et encore moins l’intégrité de ceux-ci, mais la compétition, la course des bas soumissionnaires, les trafics des coûts qui font croître les prix, sans oublier la complicité des syndicats qui tirent parfois des avantages marginaux des ratées de la construction. Ce n’est plus la profession qui est fautive, mais bien le milieu même.

Le père de John serait-il plutôt médecin - ou John rêve peut-être d’une carrière médicale s’il est bon dans les sciences? -, alors la tentation sera de chargé des coûts de santé. Dans une société comme la nôtre, où les lois de la régie de l’assurance-maladie empêchent les médecins inscrits au programme de pratiquer parallèlement une carrière privée, il est tentant d’ajouter des frais marginaux par ci par là. Des gouttes pour les yeux ne sont pas couverts par le régime? On charge les frais aux «bénéficiaires». Vous trouvez que les temps d’attente à l'urgence ou en clinique externe sont trop longs, que les Cliniques Locales de Santé Communautaire (C.L.S.C.) sont inefficaces? Qu’il y a un manque de médecins de famille? Rien de mieux, pour l'arriviste, que de se mettre sur le privé et d’offrir en échange de frais élevés la rapidité du service, le confort du traitement, la chirurgie privée. Là aussi, il y a eu des ratées avec des conséquences criminelles. Le médecin qui respecte son serment d'Hippocrate n'a pas cours dans une société capitaliste, même quand les frais sont déboursés par l'État.

Oui, la société abime fortement les hommes, dans quelles que professions que ce soient. L’intégrité, l’honnêteté sont des visions de l’esprit dans un monde où les autorités institutionnelles acceptent des double binds qui contredisent la valeur des normes enseignées. On peut trouver autant de criminels honnêtes qu’il y a de professionnels véreux. Le renversement du bien et du mal s’opère d’ailleurs le plus facilement du monde depuis que les bornes repères tendent à s’effacer. Les criminels bénéficient de «preuves circonstancielles» qui rendent les «circonstances atténuantes» de la peine, même pour les délits les plus graves. Des mercenaires à l’emploi d’entreprises privées se voient doter d’un accès à la violence autorisée qu’on mesure avec parcimonie parmi les forces légales policières. Les sphères du privée et du public ne cessent de se confondre et les actes privés deviennent des délits publics. Fumer une cigarette dans un endroit public fait de vous un contrevenant. Vous devenez un assassin potentiel à cause du concept de «fumée secondaire». La marge de la liberté ne cesse de se rétrécir alors qu’on brandit le spectre du totalitarisme de toutes formes de sociétés qui ne se qualifieraient pas de «libérale» et de «démocratique». Bref, la tyrannie de la majorité anticipée par Tocqueville est devenue la tyrannie des lobbyistes de bons sentiments et des biens-pensants. La moralité n’a jamais eu goût aussi vulgaire.

Et John dans tout cela? La vérité se cache, bien entendue, dans le placard. Elle n’est pas montrable même si elle est visible. Elle appartient aux moralités bourgeoises des Fifties. Elle se vit sur le mode onirique du cinéma. Après tout, Humphrey Bogart n’a rien de ces criminels sadiques ultérieurs que nous présenteront la télévision à partir des années 2000. Joseph Cotten, pour Hitchcock, joue un «oncle Charlie» inquiétant gigolo qui tue des veuves pour empocher leur fric: «Tu sais que le monde n'est qu'une vaste porcherie» (Shadow of a Doubt, 1943), déclare-t-il à la nièce et filleule qui porte le même nom que lui. Son monologue dans lequel il expose son mépris viscérale des femmes bourgeoises qui font suer sang et eau leur mari durant toute leur vie, par le travail et les caprices domestiques, jusqu'à ce qu'il meure prématurément et encaissent leurs pensions pour mener la vie de veuves joyeuses, est probablement le monologue le plus misogyne de l'histoire du cinéma. Derrière le calme apparent de Peyton Place, des ressentiments inouïs sont cultivés et rendent possibles les crimes les plus odieux.

Voilà pourquoi il est difficile de ne pas s’arrêter sur la portée inconsciente du troisième tableau. Il nous révèle du monde actuel, tissé depuis les origines de la société de consommation, l’ambiguïté idéologique du bien commun. Balayer la poussière sous le tapis et dissimuler un cadavre dans un placard sont des issus tout à fait bourgeois. Il n’y a pas la brutale franchise du coup d’épée chevaleresque ni la piété des conduites de l’Antiquité grecque ou romaine. La corruption a changé le monde tout en laissant les normes de la respectabilité féminine cacher les travers, les défaillances et les crimes masculins. Plus aucune institution - et surtout pas l’État des législateurs - ne peut se sentir à l’abri de la corruption et des détournements. Les scandales ne cessent de se multiplier parce que les «fripons ont gagné», comme s’exclamait Robespierre au soir du IX Thermidor. La jeunesse des Maddox, Lacroix, Jones et Stanford correspond à l'atmosphère dans laquelle baignaient les Peyton Places d’après-guerre. C’est en regardant des illustrations dans le genre de celles dessinées pour le manuel de conversation anglaise qu’ils ont appris à honorer la justice tout en supposant que leur bonne conduite pouvait l’aveugler au point de ne pas les laisser se faire prendre par la loi lorsque les bulles financières finiraient par éclater. Mais il y a une limite à toute ambition démesurée. L’hybris de ces fraudeurs, leur incapacité à mesurer leur appétit, les ont conduit à des deuils et des cellules de prison parce qu'ils entraînaient la mort d’innocents dans leur sillage. Contrairement aux films noirs des années cinquante, tout ne se terminait pas dans un échange de coups de feu entre criminels et policiers. L’âge héroïque du banditisme est un mythe, une légende littéraire ou cinématographique. Dans la plupart des cas, les points de chute ne furent qu’humiliants et sans éclats.

Les enfants rêvent tous de jouer aux Robins des Bois, voler les riches pour donner au pauvre. C’est la façon dont ils comprennent la légitimité d’un acte par rapport à sa légalité, et tant que l’enfance sera sensible davantage à la légitimité qu’à la légalité, il y aura de l’espoir pour notre monde. Je ne voyais pas à l’époque, dans ce tableau, ce que je viens d’y exposer. La distance entre le monde des films noirs et celui où je vivais n’était pas suffisamment énorme pour que je ne visse dans ces costumes que l’uniforme du mobster. Mais les décennies se succédant, il apparaît aujourd’hui que les vêtements de John ne pouvaient être les siens; que c’étaient des vêtements d’adultes, d’hommes, et plus précisément, des vêtements extérieurs qui s’assemblaient sur un modèle qui était ceux des Joseph Cotten et des Humphrey Bogart. Dans la mesure où ces tableaux étaient conçus par des adultes selon un mode de commande didactique, il semblait innocent que de présenter une succession de vêtements masculins à partir desquels apprendre le vocabulaire de la langue seconde. La question qui se pose est alors celle-ci: aujourd’hui, si nous avions à sélectionner les vêtements masculins les plus courants, vers quel type de vêtements nous tournerions-nous? Quel modèle social, évalué comme positif dans les catégories morales, metterions-nous en évidence pour dire, voilà les vêtements qui font le père de John ou qui anticipent sa carrière future?

Il est vrai que déjà dans la langue française, blue jeans et tee-shirt sont d’usage courant. Les running shoes et les caps à palettes sont acceptées dans les écoles. Les adultes, les enseignants mêmes parfois les portent. La distinction sociale vestimentaire, si insistante jadis, n’existe pratiquement plus. Fils de bourgeois comme fils de travailleurs portent à peu près les mêmes logos. Dans une conception du monde où le temps semble être arrêté et que la consommation est le plus grand commun dénominateur de la démocratie, l’élitisme que représentait le monde de Peyton Place se dissout progressivement. Les uniformes perdent de leurs symboles indicatifs. Paradoxalement, c’est ce qui ancre encore mieux les vêtements de John dans la catégorie du stéréotype du mobster.Cette compulsion vestimentaire, pour didactique qu’elle soit, aurait-elle pu être composée diversement? Sans aucun doute. Les vêtements étalés ici en suivant les aiguilles de l’horloge étaient rarement portés par les enfants de mon temps et moi-même je n’ai jamais porté de borsalino ni d’imperméable couleur diarrhée de bébé. La lourdeur faisait en sorte que tout cet équipement n’aurait jamais pu être entassé dans les étroits casiers que nous avions à l’école. Être habillé proprement, avec un bleazer bleu marine, un pantalon gris, des souliers noirs, une cravate rouge sur une chemise blanche suffisait. Nul n’était tenu même à ce type de costume tant le temps des uniformes s’effaçait progressivement au cours des Fifties. Nous nous éloignions de la décennie de la guerre. Entre-temps, espions et agents secrets portaient toujours l’imper, le borsalino, la cigarette entre les lèvres pincées et le revolver dans la pochette à bretelles dans les séries policières. Entre le monde du réel vécu et celui de la fiction policière et criminelle, le tableau John’s clothes servait de ligne de démarcation où tous les renversements devenaient possibles.

Montréal
21 juin 2011

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