Beaucoup de petits canadiens ont appris la langue seconde à travers un manuel intitulé Conversation anglaise (ou française) à l'aide de l'image, au cours de leurs études primaires. Ce volume contenait vingt-quatre leçons, toutes illustrées par un tableau. Tableaux qui nous font aujourd'hui rêver à notre enfance idéalisée.
Ces manuels, en circulation au Québec de la fin des années 40 jusqu'au milieu des années 60 du XXe siècle, sont passés dans la mémoire collective sous le sobriquet de John and Mary going to school. Leurs images respiraient le bonheur et la sérénité des Fifties et nous apparaissent comme un retour nostalgique à un monde sans préoccupation.
Vous reverrez donc ces tableaux, chacun accompagné d'un texte qui n'a plus rien à voir avec l'apprentissage de la langue seconde. Mais, à bien y penser, John & Mary peuvent encore nous apprendre certaines choses qui étaient contenues dans ces tableaux, et pourquoi pas un destin antithétique?

vendredi 8 juillet 2011

A hockey game

 

A HOCKEY GAME

Pour ceux qui ne l’auraient pas remarqué, je suis un être absolument hors catégorie. Un traître. Un anarchiste. Un homme conduit par la pensée négative. Bref, un méchant. Voilà ce qui explique que, même Québécois, je n’aime pas le hockey! Nordiques ou Canadiens, les équipes sont  pour moi absolument sans intérêts. Il y avait un temps, voilà près de trente ans de ça, je regardais au moins les éliminatoires. Mais les commentaires bavards, le stress que suscite ce type de sport de vitesse et les fréquents arrêts pour tout et pour rien, les gestes vulgaires des joueurs qui viennent de faire glisser une rondelle dans un but, et ma petite chatte blanche, Évangéline, qui essayait d’attraper ces petites fourmis qui couraient sur mon écran de télé en noir et blanc, m’ont définitivement convaincu que je n’étais pas du calibre des amateurs de sport, pour moi l’ennui en bouteille!

Il est vrai qu’on crédite au hockey un épisode fameux de l’histoire du Québec. Laissons le site de l'équipe du Canadien de Montréal nous raconter l’anecdote: «Le 17 mars 1955, le match entre les Red Wings et les Canadiens s'annonce des plus explosifs. Des milliers de spectateurs se présentent au Forum pour protester contre la suspension de Maurice Richard, imposée par le président de la Ligue nationale de hockey Clarence Campbell. Quelques jours plus tôt, le 13 mars 1955, les Canadiens et les Bruins de Boston s’étaient livré un furieux duel. Après 15 minutes et 11 secondes de jeu dans la troisième période, Hal Laycoe avait atteint Richard à la tête avec son bâton. En voulant s’interposer, le juge de ligne Cliff Thompson a reçu un coup de poing au visage de la part du numéro 9, qui est aveuglé avec le sang qui lui coule dans les yeux. Pour ce geste, Richard est suspendu pour les trois dernières parties de la saison de même que pour la totalité des séries éliminatoires tandis que Laycoe, l’agresseur, s’en tire indemne. Le sentiment d'injustice éprouvé par les amateurs des Canadiens est poussé au maximum lorsque Campbell se présente au Forum pour assister à la rencontre. Une bombe lacrymogène explose, la manifestation tourne à l'émeute. Les Canadiens doivent alors déclarer forfait après la première période. Le lendemain de l’émeute, le «Rocket» s’adresse à la population et réussit à apaiser les esprits».

On disait alors au Québec, qu'il y avait deux sports: le hockey et la politique, et les deux semblaient se copier l’un l’autre jusqu’à cette soirée de 1955, où, à la suite de la punition considérée comme injuste du joueur vedette, les deux se rencontrèrent dans la rue. Les partisans, oubliant leur retenue, occasionnèrent une émeute incendiaire qui se généralisa autour du Forum de Montréal. De cet incident, les «visionnaires», a posteriori, décidèrent que c’était là un signe avant-coureur de la Révolution tranquille des Sixties: Maîtres chez nous! Le ras-de-bol du colonialisme anglo-saxon? Sans doute, mais le signe avant-coureur d’un mouvement social? J’en doute. Combien de parties de soccer se terminent aujourd'hui dans la bataille de calibre d'émeutes, avec blessés et morts, et dont on ne fait pas pour autant des «signes avant-coureurs» d’une quelconque révolution. Bien au contraire. Jamais l’aliénation aux dominants n’apparaît plus tenir qu’à ces moments, où, précisément, le potentiel de violence des dominés est dérivé dans son expression vers un affrontement sans conséquences des sportifs. Il n’en allait pas autrement le soir de la condamnation de Maurice Richard. Clarence Campell, le dirigeant de la ligue, s’était montré mauvaise figure de Père injuste, comme le gouverneur colonial Dalhousie en 1837, ce qui entraîna les fils déçus et humiliés vers la Rébellion que l’on sait. Il en fut de même le soir du 17 mars 1955. La scène de l'affrontement, toutefois, n’était plus l’arène du Parlement mais la patinoire d’un forum. Comme le chantait Plume Latraverse: «Tout le monde se tient quand tout le monde est peureux».
Voilà pourquoi, inconsciemment, il est facile de relier les événements, qui ont pourtant une distance de cinq années entre eux, comme si la Révolution tranquille de 1960 avait été annoncée par l’émeute du Forum. Pourtant, la Révolution tranquille est venue d’une minorité créatrice qui a su s’intégrer dans un vieux parti moribond depuis un quart de siècle et qu’elle a su revigorer malgré son chef frileux. Pourquoi attribuer à des pantins sportifs le bénéfice de la créativité d’une minorité qui avait bien compris que le Québec, dans sa situation à la mort de Maurice Duplessis, n’allait nulle part. Même son successeur, le fidèle Paul Sauvé, avait commencé, dans les cent jours que la mort lui laissa pour marquer de son empreinte la politique québécoise, posa les bases de ladite révolution.

Le hockey est donc pourvoyeur de mythes, comme jadis les romans picaresques racontaient des histoires de chevalerie à ne pas tenir debout. Le Don Quichotte de Cervantès poussa le genre au chef-d’œuvre universel. Pour nous, il a suscité une série de rites kitsch allant de la collection et des échanges des cartes de joueurs de hockey - avant que les équipes commencent à s’échanger les joueurs pour vrai! - jusqu’à ces patinoires sur table avec joueurs en panneaux à deux dimensions que l’on actionnait par des manettes et qui se lançait une bille noire qui tenait le rôle de la rondelle. Et les deux chandails des équipes de métal reproduisaient les deux équipes nationales en rivalités: le chandail bleu des Maple Leafs de Toronto, et le chandail rouge des Canadiens de Montréal. Mes parents crurent m’initier à un jeu viril - ce qui était pourtant étonnant de la part de mon père qui haïssait le hockey pour mourir -, et qui m’apparaissait sans intérêt puisque, étant enfant unique, je n’avais personne avec qui y jouer!

Dans le tableau 18 de conversation anglaise, c’est à une reproduction de ce jeu que l’on assiste. Les deux équipes, dont les garçons semblent plus âgés que ne l’est John, laissent supposer que nous sommes là dans le seul tableau de la série où la famille Martin, si elle apparaît, ne peut être qu’à l’arrière-plan, très éloignée, parmi la foule de spectateurs derrière la bande. C’est une patinoire extérieure située en zone rurale plutôt qu’urbaine, ou possiblement dans une banlieue encore peu développée. C’est une partie sérieuse, avec arbitre et parents venus encourager leurs fils prodiges qui pourraient être tentés d’en faire une carrière professionnelle, comme les élèves des High Schools dans le monde anglo-saxon rêvent d’une carrière professionnelle au football. Pour eux, le hockey est un sport passionnant, et ils se donnent à fond, comme des chevaliers d’une croisade nouvelle, où la coupe Stanley tiendrait la place du Saint Graal.

Ici, les règlements sont réduits au strict minimum: le respect des règles est évident et donne au sport la même dignité que jadis le combat honnête et loyal avec l’adversaire. Nul coup de traître. Nulle tentative de blesser ou de transférer son agressivité de la course vers le «sport de contact». Nulle hystérie de hooligans ne vient ternir l’enthousiasme parmi les spectateurs accoudés à la bande. Nous sommes encore dans un sport civilisé. Les joueurs, non seulement ne portent pas de casques ni de visières, ni de genoux rembourrés ni aucune de ces armures à cote de maille qui font l’équipement du joueur professionnel moderne, mais ils n’en sentent nul besoin. La violence dans les sports n’est pas encore un thème cancérigène du sport professionnel ou amateur. Ces affrontements renouvellent sans cesse les confrontations nationales entre les deux «peuples fondateurs» du Canada. C’est toujours l’éternel affrontement entre Frontenac et Phipps, entre Montcalm et Wolfe qui se réactive sur les patinoires de banlieues et de villages. Tantôt le vainqueur c’est Frontenac, tantôt c’est Wolfe. Et on remet ça «à la prochaine chicane».

Lorsque la ville de Québec se dota d’une équipe qui dura le temps que durent les équipes de secondes catégories, les Nordiques, l’affrontement se déplaça. Les Québécois perdirent de vue les Maple Leafs de Toronto pour ériger l’affrontement politico-sportif en véritable guerre civile: les glorieux Canadiens, avec leur chandail rouge et leurs dirigeants liés au milieu de la politique fédérale, devinrent les Phipps et Wolfe, tandis que les joyeux Nordiques devenaient l’équipe de la capitale «nationale», avec leur chandail «bleu», et s’attribuaient le rôle de Frontenac …et de Montcalm. D'une guerre civile canadienne, le sport devenait une guerre civile québécoise. Les référents symboliques étaient subvertis. Mais le combat n'en fut que plus hystérique tant il est vrai, qu’au sport comme dans les guerres, se sont les affrontements fraternels qui sont les plus violents. On pourrait même aller jusqu'à croire que l'utilisation de ce club, qui de 1971 à 1979 n'avait fait partie que de ligues parallèles jusqu'à ce qu'on l'incorpore dans la Ligue Nationale de Hockey (LNH), fut une stratégie politique en vue de détourner les nationalistes qui s'engageaient dans la voie du référendum sur la souveraineté du Québec de 1980. D'une rivalité intercanadienne, on obtenait une rivalité interquébécoise. Ce qui fut une réussite qu'aurait sûrement applaudit Machiavel puisque, effectivement, le référendum fut perdu.  Cette équipe dura une quinzaine d’années, et lorsqu'elle fut vendue à Denver en 1995 (autre année référendaire, mais l'équipe, financièrement, était un gouffre déficitaire), elle se réincarna en Avalanche du Colorado. Comme le Phœnix qui renaît de ses cendres, les joueurs, une fois l’équipe vendue, se retrouvant dans la capitale d"un État américain avec salaires indexés, se mirent à gagner la coupe Stanley, ce qu’ils n’avaient jamais réalisé en tant qu’équipe de la ville de la province de Québec. De son côté, la Sainte Flanelle ne retrouvait plus, comme adversaire, ses bon vieux Maple Leafs, mais des équipes américaines, dont Boston, Pittsburg, Philadelphie et New York parmi les plus acharnés. La charge politique du hockey se voyait ainsi désamorcée.

Si la vieille caricature française concernant l’Affaire Dreyfus - un premier dessin représente une grande famille attablée au repas, où le patriarche avertit: «Surtout, ne parlons pas de l’affaire Dreyfus»; dans le second dessin, où tout est sens dessus dessous, les convives se menaçant de leurs fourchettes et de leurs couteaux, la vignette constate: «Ils en ont parlé» -, pouvait s’appliquer aux foyers québécois, ce serait sûrement pour les résultats d’une partie de hockey. On discute encore à savoir si un but de l’affrontement en éliminatoire entre Canadiens et Nordiques, but contesté qui entraîna une véritable bagarre générale sur la patinoire, le Vendredi Saint de 1984, était bon ou non. On ne dira toutefois pas que cette bataille, qui suscite toujours de vives controverses dignes de l’émeute du Forum de 1955, marque un signe avant-coureur de la souveraineté du Québec. C’est dire la dose de tension affective, érotique comme destrudinale, qui anime les Québécois lorsqu’ils deviennent partisans d'une équipe de hockey.

Tout cela, maintenant, est devenue une affaire de gros sous: des plafonds salarial, des cotas sur les dépenses des équipes, des arénas adaptés à la fois pour les parties de hockey et pour les spectacles de foule, des propriétaires de ligues et des syndicats de joueurs autonomes (de plus, qui voit la contradiction?); le hockey est devenu, comme on disait de la lutte Grand-Prix dans le temps, une «affaire arrangée». L’arrivée massive de joueurs des pays d’Europe de l’Est a changé complètement la sonorité des noms des joueurs sur la glace. Les prix d’assistance au Forum, sans parler des loges retenues par les grosses compagnies pour en profiter pour faire des affaires, avec services et pitounes à volonté, indiquent que l’occasion d’un affrontement sportif est plus que  propice à des échanges «d’enveloppes brunes». Si le pourrissement d’une collectivité, comme pour le poisson, commence par la tête, au Québec, elle commence par la queue.

La faible démographie, la pauvreté relative de la grande bourgeoisie québécoise, les petits contrats de diffusion médiatique font que les sports-spectacles ont tendance à s’effacer assez rapidement. Voilà près de trente ans, les Montréalais ont eu leur équipe de baseball, les Expos - le club fut créé en 1967 - qui ne laissa, en disparaissant, à l’équipe de hockey du Canadien, qui en était dépourvu, que sa mascotte Youppi, montre que le baseball était difficilement rentable à Montréal. L’histoire du club de football (canadien) les Alouettes, est remplie de hauts et de bas, de périodes fastes en coupe Grey, et d’autres pitoyables jusqu’à l’extinction. Maintenant, le sport à la hausse - et pour cause: moindre coût d’équipement (un chandail, un short, une coquille, un but et un ballon) -, c’est le soccer. Le Mundial est maintenant suivie avec la même fureur enthousiaste que dégageait le hockey jadis. Il est vrai que la multiethnicité des Québécois de 2011 favorise cet enthousiasme et renvoie aux nostalgiques les démonstrations euphoriques pour les gladiateurs de la glace. Tous les espoirs sont maintenant investis dans ce sport, malgré le fait que l’Impact, l’équipe montréalaise, ne soit pas encore intégré, ni n’ait la stature pour compétitionner avec les équipes dynamisées d’Europe, d’Amérique latine et même d’Extrême-Orient.

Mais il faut revenir au hockey, thème de la leçon 18. Ce sport qui utilisait couramment le vocabulaire anglais dans sa description à la radio trouva en René Lecavalier un commentateur intelligent et qui introduisit le vocabulaire et le style français dans la description des parties. Sa voix, avec celle de Jean-Maurice Bailly et de quelques autres, ont pendant des années, à la radio d’abord, puis à la télévision à partir des années 1951, avec la célèbre et défunte Soirée du Hockey du samedi soir, donner l’impression que ce sport amérindien converti à la canadienne, pouvait se décrire, sans ridicule, d’une manière à affirmer la langue minoritaire du Canada. En cela, et plus que dans l’émeute du Forum, le hockey a contribué à l’affranchissement des Québécois de leur statut de colonisé. Le hockey pouvait se pratiquer «à l’anglaise», mais il se décrivait en français. En quelques années, ce qui est plutôt rare dans les phénomènes de mentalité, une tradition s’installait, mieux même, s’imposait. Le goaler de mon enfance devenait le gardien de but, tout simplement. Les left et right wings, les ailiers gauche et droit, le puck la rondelle, le net le filet, etc. Si la leçon du tableau 18 est si courte par rapport aux précédentes, c’est qu’on tenait, à l’époque, c’est-à-dire à la fin des années quarante, le langage technique du hockey comme anglais, et définitivement acquis. Rien n’était plus faux et propre à être démenti dans les années à venir.

Des petites équipes de quartiers ou des équipes soutenues par une commandite privée (une entreprise, une chaîne, etc.) constituées d’employés ou d’ouvriers de ladite commandite à l’organisation des premières ligues de hockey junior, mineur puis majeur, la société de consommation nord-américaine trouvait ses premiers cirques alimentés de pains …hot-dogs, de bières, de confiseries et de croustilles. Il n’y manquait que l’empereur pour lever ou abaisser le majeur (pardon! le pouce) pour se retrouver dans la cirque romain de la décadence. Les foules agressives, hurlantes, vociférantes, menaçantes échangèrent leur enthousiasme pour le défoulement collectif. C’est ce qui est spectaculaire dans l’émeute de 1955. L’humeur des Québécois avait certes changé, mais leur représentation collective, leur vision  d'eux-mêmes à l’intérieur d’un Canada qui bénéficiait de l'isolement des deux solitudes demeurait. La conscience historique que l’Amérique du Nord appartenait, en entier, autant aux francophones qui l’avaient parcourue en tous sens qu’aux anglophones qui l'avaient exploitée; le commandement des autorités religieuses et politiques de ne pas recourir, ni à la désobéissance civile ni à la rébellion violente pour faire gagner ses droits, toutes ces convictions étaient suffisamment ancrées dans leur esprit pour ne pas faire déborder la crise du Forum en prise de la Bastille. On devait s’en rendre compte, vingt-cinq ans plus tard, lors de la soirée du référendum de mai 1980.

Le hockey, sport politique en 1955? Oui. Le hockey, sport violent en 2011? Oui. Le hockey sport politique et violent en 1955? Oui, mais pas toujours et pas dans toutes les occasions - n’oublions pas que l’émeute s'est produite au moment des éliminatoires. Le hockey sport violent et politique en 2011? Violent plus que toujours, politique moins que jamais. La subtilité de A game of hockey, c’est précisément que nous sommes au cœur de la partie, qu’il n’y a pas de but marqué, que les joueurs se passent la rondelle sans qu’on puisse dire si des
Alfred Hitchcock, I Confess, tourné à Québec en 1953
Canadiens et des Maple Leafs, lesquels finiront par mener la rondelle jusque dans le filet de l’adversaire. Rien n’est décidé et tout est laissé suspendu entre victoire et défaite. Ce tableau n’avait donc rien pour susciter la controverse, surtout au Québec. Cependant, il traduisait une certaine conscience nationale incertaine. La suspension - celle de Maurice Richard en 1955 comme celle de tout en peuple depuis l50 ans -, le suspens à la Hitchcock, s’abandonnait à la volonté de le trancher ou pas. En acceptant de se faire, d’un côté comme de l’autre, il y aurait un vainqueur et un vaincu. En refusant de trancher, on préférait match nul et tout le monde gagnant. Telle est la leçon morale de l’Histoire du Canada telle qu’elle se présente, encore aujourd’hui, en 2011. Et, pour la grande majorité des Québécois, cela semble être la sagesse même.
Montréal,
8 juillet 2011

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