Beaucoup de petits canadiens ont appris la langue seconde à travers un manuel intitulé Conversation anglaise (ou française) à l'aide de l'image, au cours de leurs études primaires. Ce volume contenait vingt-quatre leçons, toutes illustrées par un tableau. Tableaux qui nous font aujourd'hui rêver à notre enfance idéalisée.
Ces manuels, en circulation au Québec de la fin des années 40 jusqu'au milieu des années 60 du XXe siècle, sont passés dans la mémoire collective sous le sobriquet de John and Mary going to school. Leurs images respiraient le bonheur et la sérénité des Fifties et nous apparaissent comme un retour nostalgique à un monde sans préoccupation.
Vous reverrez donc ces tableaux, chacun accompagné d'un texte qui n'a plus rien à voir avec l'apprentissage de la langue seconde. Mais, à bien y penser, John & Mary peuvent encore nous apprendre certaines choses qui étaient contenues dans ces tableaux, et pourquoi pas un destin antithétique?

dimanche 19 juin 2011

John is saying his morning prayer


JOHN IS SAYING HIS MORNING PRAYER

Le second tableau de conversation anglaise est l’un des plus étrange que l’on puisse imaginer. Dès l’enfance, je savais que quelque chose n’allait pas avec ce tableau, et ce quelque chose est d’ordre purement architectural. L’observation est relativement simple: comment la porte de la salle de bain (et de la toilette) de la famille donne-t-elle directement dans la chambre à coucher du garçon? Un Le Corbusier ou un Mies van der Rohe de maisons de banlieue aurait-il, dans les Fifties, inventé un intérieur tout-ouvert sur le modèle de ce que seront les loft de la fin du XXe siècle? Autre fantaisie de la perspective, la fenêtre, par laquelle nous voyons oiseau et soleil matutinal devrait donner plutôt dans la salle de bain considérant la profondeur du champ que laisse entrevoir la porte entr’ouverte par Mary, qui en ressort comme si de rien n’était! Le tableau est baroque dans la mesure où il suppose un oxymoron: où il y a un vice de construction quelque part dans l’architecture de la maison de John & Mary, où il y a tout simplement une construction du vice qui s’offre ici au frère et à sa sœur. En tout cas, je n’ai jamais vu de maisons des Fifties offrir un tel aménagement intérieur.

Mais peut-être est-ce mon ignorance? Après tout, comme Hamlet le disait à Horatio, il y a plus de mystères dans le ciel et dans les étoiles que dans tous les livres de philosophie. En tout cas, on peut toujours commencer par quelques livres. Il est vrai que leur problématique demeure plus l’insertion de l’architecture dans l’urbanisme moderne. Ils discutent donc moins de question de design ou d’aménagement intérieur. J. M. Richards, Siegfried Giedion et Michel Ragon sont quand même des critiques avérés de l’architecture contemporaine dans son ensemble, aussi bien en Amérique qu’en Europe. Dans leurs livres, les constructions les plus excentriques se donnent à voir, et l’on pourrait s’amuser à penser que l’architecte de la maison de la famille de John & Mary s’en était inspiré. Pourtant, dans les plans des intérieurs d’appartement, on voit rarement, sinon jamais, la salle des w.c. côtoyer une chambre à coucher ni même un living-room. Contrairement à nos modernes salles de bain, les pièces de l’époque n’étaient pas munies de ventilateurs. Peut-être que la maison de John & Mary était-elle équipée déjà de cet instrument tout à fait avant-gardiste. Je l’espère en tout cas, pour John.

Bref, ce qui donne une allure fantastique à cette chambre, c’est qu’il y manque une cloison, un mur. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à regarder la page couverture du manuel. Ici, John fait la leçon à Mary et se sert du tableau 2 comme support didactique. Nous voyons très bien le mur doté de la fenêtre. La porte est ouverte, mais dans le sens opposée à celle de la salle de bain; en fait, c’est bien la porte de la chambre de John qui donne sur un corridor (suppose-t-on). Le tableau 2 suggère un espace entre la porte de la salle de bain et la chambre de John, mais la fenêtre porte à faux l’idée d’un corridor. Au mieux peut-on imaginer que le mur d’arrêt du corridor se situerait juste entre la bordure de la fenêtre et le mur sur lequel on peut voir accrochés un lavabo et une frange de miroir sur le mur. C’est la solution à laquelle ont pensé les dessinateurs du tableau en le retouchant pour la version ultérieure du début des années 1960. Des lignes de joints dessinent comme un mur qui ferait la limite même de la maison, permettant à la fenêtre de donner directement dans la chambre de John.
D’autres incongruités sont manifestes dans le tableau. Ainsi, la pose subitement tenue par Mary. «On ne bouge plus! Le petit oiseau va sortir!» Certes, ce n’est pas pour «se faire tirer le portrait» que Mary, avec sa boucle rouge dans les cheveux (sic) s’immobilise, les deux jambes parallèles plantées l’une à côté de l’autre. Elle ne provient de, ni ne va nulle part. Comme une statue, elle tient la place de la porte qu’elle semble repousser pour sortir. Là encore, les dessinateurs qui ont retouché la version «modernisée» se sont aperçus que quelque chose n’allait pas dans ce tableau. Si Mary n’existe pas dans le tableau de la couverture, autrement qu’à l’extérieur, ici, il fallait l’animer. Et les retouches nous montrent, plus logiquement, une Mary avec ce qui me semble être des rouleaux dans les cheveux et une jambe s’avançant pour esquisser un pas naturel. Elle provient bien de la salle de main et se dirige maintenant vers sa chambre.

Si le tableau retouché nous montre une chambre au décor plus stylisé - des fleurs ont été rajoutées sur les tapis, le vernis des meubles est plus luisant -, un troisième personnage change totalement d’aspect: il s’agit du chien de John, assis, sur le seuil de la porte. Dans le tableau original, La voix de son maître, du peintre anglais Francis Barraud, on voit le modèle du chien de John appelé à devenir le logo corporatif de la Berliner, avant de l'être de celui de RCA Victor. Il s'agit bien, en effet, du célèbre chien de la His Master’s Voice, aujourd'hui plus connue sous l'acronyme H.M.V. Il ne manque que le cornet du gramophone dans lequel le chien plongeait le museau pour entendre sortir la voix de son maître, placé dans le cercueil sous la composition d’ensemble. Dans le tableau retouché, le chien ressemble plus à un fox-terrier qui prend les traits du célèbre Milou de la bande dessinée d’Hergé, mais plus noir que blanc. Ce symbole associé à la masculinité (comme on le verra plus loin), relève des allégories traditionnelles. La signification de sa présence, dans cette maison à l’architecture incongrue, est la seule dont on peut dire qu’elle signifie quelque chose de déterminant. Elle est à situer dans la ligne invisible qui va de Mary à John, comme un point de milieu que la perspective du tableau déforme à notre perception. Le chien est également un des trois points du triangle formé avec le crucifix et John. Ici, ce n’est plus le chien qui écoute la voix de son maître mais bien le maître qui prie son Dieu, non plus en regardant la croix comme dans les images pieuses, mais en fermant les yeux, à la fois sous le regard de Dieu et celui du chien. Derrière le triangle, la femme offerte et interdite, la transgression en puissance, onirique dans le vieux tableau, manifeste dans le tableau retouché, Mary la sœur utérine.

Après avoir été invité au fétichisme par le premier tableau des Parts of the body, nous verrions-nous convier ici à commettre l’inceste? N’est-ce pas tirer un peu par les cheveux? John prie pour la belle journée qui commence. Il ferme les yeux pour être plus en présence avec le Seigneur son Dieu qui le protégera durant cette nouvelle journée qui commence assez tôt (7 heures du matin). L’oiseau chante (autre symbole ambiguë) et le soleil semble tout rond à l’horizon, un peu comme une orange juteuse (autre symbole …etc.) Les rideaux sont ouverts, tout comme la porte de sa chambre qui donne hors du tableau mais qui se dédouble par la porte de la salle de bain. Décidément, la tentation de la chair est forte pour que l’une s’offre (la sœur, évidemment) et l’autre résiste (le frère priant les mains jointes et …les pieds nus). Il n’a pas pris le temps de mettre ses pantoufles, rangées avec ordre aux pieds du lit. Dans la symbolique de l’art, les pantoufles représentent généralement la fidélité et le bonheur conjugal (comme dans le célèbre tableau de Jan Van Eck, les époux Arnolfini). On ne se promène pas pieds nus dans la maison petite-bourgeoise de Peyton Place. Ce serait un signe aussi indécent que la nudité du torse. Le pyjama est de mise. De fait, une fois les Body Parts exposés en pièces détachées, il n’y aura plus l’ombre d’un bout de peau dans le manuel de conversation anglaise, sauf dans le dernier tableau, où John & Mary sont si loin qu’ils n’apparaissent que comme des silhouettes éthérées, et ici, les pieds de John.

Dieu donc. Le Christ sur la croix qui observe tout et pèse déjà nos consciences ensommeillées. John prie. Par rite, comme nous le verrons dans un autre tableau, mais indiscutablement avec ferveur. Et le chien le tient à l’œil, gueule ouverte (mais fermée dans le tableau retouché). Lui aussi faisait déjà parti du célèbre tableau des époux Arnolfini, à la fois symbole de la virilité mais aussi de la mise en garde, doublet de cet ange gardien qui voletait dans les manuels de lectures et du catéchisme de l’école primaire. L’oiseau à la fenêtre - réglons ce premier cas animalier - n’est pas une colombe de paix. Il ressemble plutôt à ce rossignol dont on connaît l’importance allégorique qu’il tient dans un conte du Décameron de Boccace (Ve journée, 4e conte) où, pour retrouver son jeune amoureux, Caterine, la fille de la famille, fait installer son lit sur le balcon où le jeune homme la rejoint la nuit. Au matin, le père les surprend tout nu et les fait se marier sur le champ. Pasolini n’a pu résister à inclure ce conte dans son adaptation cinématographique. Comme une sirène, le rossignol chantant à la fenêtre, le soleil se levant, n’est-ce pas une invitation adressée à John d'ouvrir les yeux et regarder cette «Gradiva» qui sort de la salle de bain?
Mais bien d’autres choses sortes de la salle de bain que Mary. Étudier la symbolique du chien nous permet de comprendre pourquoi le folklore en fait le meilleur ami de l’homme. Chez les Égyptiens comme chez les Phéniciens, l’animal était déjà sacré. Jean-Louis Bernard écrit: «Assoiffé des fluides résiduels humains (il s’en nourrit effectivement), ceux qui s’écoulent par les pieds en direction du tellurisme, le chien voue un culte aux chaussures. Il suit une trace à partir d’une chaussure, jusqu’au barrage que constituent les rivières, elles-mêmes absorbantes quant aux fluides de diverses natures (dont le magnétisme). Son sixième sens et la longueur de son nez sont directement proportionnels. Imbibés des fluides de la maison, le chien a horreur du facteur, non à cause de son uniforme, mais parce que les lettres qu’il apporte sont porteuses d’influences étrangères. Symbole d’analité, il ne se nourrit pas seulement de fluides résiduels; tout ce qui se décompose l’attire comme un aimant. Il hurle à la mort aussi pour cette raison. Les Égyptiens voyaient dans le chacal un chien parfait parce qu’il poussait l’analité à son terme extrême; il mange en effet les chairs pourries, mais sans en être incommodé; bien au contraire, puisqu’il en tire santé et beauté». (1) Il est inutile de faire l’inventaire de toutes les mythologies du monde où apparaît le chien ou l’une de ses formes (loup ou chacal) sauvages. Sa première fonction mythique, universellement reconnue, serait d’être un animal psychopompe. C’est le guide de l’homme dans la nuit de la mort, après avoir été son compagnon dans le jour de la vie. Chez les Germains, dont une partie de notre culture est un sous-produit, on retrouve le chien terrible Garm, le gardien de l’entrée du Nifîheim, le royaume des morts, des glaces et des ténèbres. Une des tâches du chien psychopompe, «auquel l’invisible est si familier, ne se contente pas de guider les morts. Il sert aussi d’intercesseur entre ce monde et l’autre, de truchement aux vivants pour interroger les morts et les divinités souterraines de leur pays». (2) Jean Chevalier et Alain Gheerbrant ajoutent à ceci: «Si le chien visite les enfers, bien souvent aussi il en est le gardien ou il prête son visage à leurs maîtres», mais par sa connaissance «de l’au-delà comme de l’en-deçà de la vie humaine fait que le chien est souvent présenté comme un héros civilisateur, le plus souvent maître ou conquérant du feu, et également comme ancêtre mythique, ce qui enrichit son symbolisme d’une signification sexuelle». Symbole chtonien pour les Germains, les Celtes voyaient par contre en lui un type de figure héroïque et virile, d’où l’ambiguïté que les Occidentaux en ont conservé. Dans l’Islam, le chien est plus souvent considéré comme l’image de ce que la création comporte de plus vil. «En résumé», conclut nos deux auteurs: «le chien recouvre un symbole aux aspects antagonistes, entre lesquels toutes les cultures n’ont pas tranché. Mais il est frappant, à cet égard, de rappeler que, pour les alchimistes et philosophes, le chien dévoré par le loup représente la purification de l’or par l’antimoine, avant dernière étape du grand-œuvre. Or, que sont ici le chien et le loup, sinon les deux aspects du symbole en question, qui trouve sans doute, dans cette image ésotérique, sa résolution en même temps que sa plus haute signification; chien et loup à la fois, le sage - ou le saint - se purifie en se dévorant, c’est-à-dire en se sacrifiant en lui-même, pour accéder enfin à l’étape ultime de sa conquête spirituelle». (3)

Le chien de John lui sert donc de truchement entre le ciel (la croix) et l’enfer (toucher à Mary). Il sert d’ange gardien contre la tentation sifflée par le rossignol. Comme dans les bandes dessinées, chien et rossignol apparaissent comme l’ange gardien et le démon sussurant à l’oreille de John le dilemme où se trouve placée sa conscience entre son désir et son assouvissement. C’est John le porteur de culpabilité. Dans le sexisme propre à l’époque, il est la cause du bonheur comme du malheur de la femme. Ses bas sortis épars du tiroir, ses pantoufles sagement disposées, reprennent exactement le même dialogue que le rossignol et le chien. Les pieds nus de John sont le point de bascule placé sur la ligne de partage moral du tableau. «Le chien est parmi les plus anciens animaux domestiques. Il est le symbole par excellence de la confiance et de la vigilance, et on le considère aussi comme le gardien de la porte de l’Au-delà». Au Moyen Âge, les sculpteurs des cathédrales le prenaient comme «emblème de la permanence inébranlable de la foi. Mais il personnifie aussi le courroux déchaîné. Le chasseur des âmes, Satan, est accompagné de chiens infernaux. Il existe aussi d’étranges représentations d’un “cynocéphale christophore”, c’est-à-dire d’un porteur de Christ à tête de chien, qui est probablement issu de l’Anubis égyptien, et qui constitue une des figures sacrées du légendaire médiéval». (4) Bref, on ne s’en sort pas, l’ambiguïté du chien nous laisse penser qu’il peut être aussi bien celui qui apportera les pantoufles de John que le complice du rossignol en dispersant ses chaussettes. En se plaçant entre Mary et John, nous pouvons nous demander s’il invite ou s’il empêche l’inceste. Il n’y a pas jusqu’à la dominante du ton jaune du tableau qui ajoute au dilemme symbolique. Le jaune, symbole de la lumière solaire, que l’on trouve sur le mur qui porte la croix, devient un jaune qui s’éteint, qui perd sa valeur de justice divine, sombrant dans la traîtrise et finissant par mourir, à l’image de la teinte qu’il prend sur le mur portant la fenêtre et donnant sur la porte. (5)

Le jeu de la tentation est plus subtile que dans les romans de Jeanne Bourin. Il s’inscrit dans les ambiguïtés mêmes des concepteurs. La Poétique illogique de la disposition des murs et des portes, le Symbolique ambivalent de l’inceste offert et refoulé, l’Idéologique enfin qui suppose l’interdit provenant d’un commandement surnaturel que le Christ sur la croix impose comme un Sur-Moi plongeant et menacé de toute part, c’est toute la trame d’une tragédie domestique qui s’insinue dans une banale leçon où l’on doit appendre comment dire lit, oreiller et couverture en anglais.

Il ne faut donc pas s’étonner que ce tableau ait servi de page couverture à l’un des derniers recueils du poète québécois Denis Vanier. Né en 1949 (mort en 2000), il était l’enfant parfait pour recevoir cette conversation anglaise toute d’ambiguïté imbue. L’auteur de Lesbienne d’acide restait le parfait petit John en prière sous la croix et tenté par l’image de sa sœur. Si la vérité se passe un doigt comme il l’écrit dans un autre titre, c’est que l’image domestique bon enfant du tableau John is saying his morning prayer est correspondante à l’univers de Peyton Place, où la morale bourgeoise et la grâce divine se bercent au-dessus des perversions et des transgressions les plus choquantes. Le chien qui renifle sueur et excrément, qui identifie la personne par les fluides que laissent ses pieds, avec ou sans chaussures, c'est l’invitation à passer du côté de la mort (Vanier est, à toute fin pratique, un suicidé moral), de la destruction de la virginité et de l’innocence comme de soi-même, en tant que personne morale. Le chien psychopompe devient complice du rossignol et du désordre qui sort du tiroir. Et, passive, Mary attend que son frère ait fini de prier.

Avec un tel tableau, «l’innocence de l’enfance» en prend tout un coup! Tout ce qui porte symboles converge dans une lutte morale sans fin non sur des peccadilles, larcins ou touche-pipi, mais sur les tabous les plus fondamentaux du comportement moral de l’humanité. Pourquoi l’inceste domine-t-il les romans et les séries télé de Victor-Lévy Beaulieu? Pourquoi tant de pièces de théâtre, encore aujourd’hui, inspirées par les pièces de Marcel Dubé, lui-même traducteur des pièces américaines d’après-guerre, tournent-elles tant autour de l’inceste frère-sœur ou de l’homosexualité? Ce sont des transgressions du même genre que l'on retrouve dans les romans de Claude Jasmin, adaptés au cinéma dans les années 60 par Pierre Patry, racontant la chute de la volonté jusqu’à l’issue de toutes perversités: le meurtre. Père et fille, frère et sœur, l’inceste est un tissu traditionnel des fantasmes immoraux des Québécois, et probablement des nord-américains en général. Issue d’une société qui pratiquait l’endogamie, de peur de voir des apports étrangers à sa culture catholique et française venir «corrompre» la «pureté» de la race canadienne, la tentation illustrée par le tableau 2 permet de comprendre qu’à chaque discours clérical la ligne s’amincissait entre les relations cousins/cousines et, pourquoi pas après tout, entre frères et sœurs? La brutalité de la vie rurale, dans des zones isolées des grands centres urbains, où la culture ne dépassait guère un enseignement religieux érigé sur la pastorale de la peur, rendait tout conflit intérieur douloureux et incertain. Il est compréhensible que le chien de garde se soit souvent trouvé impuissant devant le chant du rossignol face au mépris de l'enfer.

Est-ce pour cette raison qu’en retouchant le tableau, les dessinateurs se sont sentis obligés de donner du mouvement à Mary et la rendre moins coquette que dans le tableau précédent? Sans rien changer de l'essentiel du contenu de la leçon, les élèves n’étaient pas les seuls à se poser d’étrange question sur la disposition de la chambre de John par rapport à la salle de bain et aux allées et venues de sa sœur Mary! Les petites villes, les quartiers, les gros villages des Fifties, du temps où Peyton Place était le modèle de la double vie des nord-américains, ont vécu de ces histoires sordides. Qu’il y ait eu viol ou consentement de Mary, séduction ou brutalité de John, les résultats ne pouvaient qu’être dysfonctionnels, à la fois psychologiques et moraux. Il est facile dès lors de deviner ce que John récite en lui-même au moment où il tient ses yeux si fermement clos

Et ne nous laissez pas succomber à la tentation
Mais délivrez-nous du Mal. Amen

Notes
  1. J.-L. Bernard. Les archives de l'insolite, s.v. Éditions du Dauphin, rééd. Livre de poche, #6803, 1971, p. 96.
  2. J. Chevalier et A. Gheerbrant. Dictionnaire des symboles, Paris, Robert Laffont/Jupiter, Col. Bouquins, 1982, p. 239.
  3. J. Chevalier et A. Gheerbrant. ibid. pp. 239, 240 et 245.
  4. M. Cazenave (éd.) Encyclopédie des symboles, Paris, Livre de poche, Col. La Pochothèque: Encyclopédies d'aujourd'hui, 1996, p. 136.
  5. M. Cazenave (éd.) ibid. p. 332.
Montréal
19 juin 2011

4 commentaires:

  1. je constate dès le début que vous avez remarqué la même chose que moi....je lirai le reste plus tard.

    Vous auriez pu faire un mémoire de maîtrise ou du moins des travaux dirigés ou encore des travaux au bac avec tout ce que vous avez écrit ici M. Coupal. Très beau blogue. Une image dans votre cahier .

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    1. Chère énigmatique Rainette, je recueille précieusement votre gommette. Si, j'aurais pu faire bien des choses. Et j'ai fait bien des choses. Mais le sol dans lequel je l'ai semé n'était pas bon. Trop de rocailles. Trop de parasites. Trop peu de sérieux et de curiosités. Comme disait le Petit Larousse : «Je sème à tous vents», mais Terre Québec n'ovule pas en tout temps.

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  2. reprends toi, t'es juste à la moitié de ton parcours :)

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  3. D'autres types de travaux m'attendent. J'en laisse encore pour Hercule.

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